Ça commence par un GIF qui te montre exactement comment je me sens aujourd'hui assise devant mon écran à penser, juste penser, écrire les mots que j'ai en tête (c'est peut-être aussi un peu pour détendre l'atmosphère). J'ai le coeur serré, et, comme je le dis souvent quand je suis stressée: "Drette là, j'ai envie de chier!". Même si je suis généralement bien articulée, j'échappe souvent de tels commentaires dans la vraie vie.
Sorry pour mon langage; ce ne sera pas cuit dans les lignes qui suivent. Je m'ouvre sur une histoire vraie et crue, alors je serai, vraie et crue. Je serai naturelle pour que tu puisses vraiment lire l'émotion derrière tous les mots difficiles que je vais écrire.
J'avoue je fais tout pour retarder "l'accouchement" de ces mots sur ce document. Je vous le jure, j'avale difficilement ma salive actuellement, tellement je trouve difficile de raconter tout ceci, mais me voici, j'ai choisi de me lancer et je ne vais pas y aller à moitié.
J'ai commencé à écrire cet article il y a 1 an. Je n'ai pas eu le courage de le poster.
Depuis le mouvement #moiaussi en 2017 et, depuis quelques années, avec la journée #bellcause, je me questionne sur la pertinence de livrer mon histoire, et j'en n'arrive jamais à une conclusion. Je ne prends pas la décision de me lancer, par peur d'avoir l'air de vouloir attirer l'attention, par peur d'avoir l'air de vouloir la sympathie des gens, par peur du jugement. La même criss de peur qui a fait que j'ai souffert.
C'était la journée "Bell Cause Pour la Cause" le 31 janvier, et je n'ai pas réussi à publier ce billet. J'avais pourtant prévu le faire.
Aujourd'hui, 7 février 2019, c'est la dernière journée de la Semaine de sensibilisation aux Troubles Alimentaires, et j'ose enfin, car ça aussi, ça me touche et m'incite à raconter mon histoire.
J'évolue avec cette histoire que je vais vous raconter aujourd'hui, depuis l'hiver 2003. J'ai raconté quelques fois les grandes lignes de cette histoire à des gens proches, mais jamais dans les détails comme je le ferai dans ce texte. C'était trop difficile.
Seulement trois personnes dont ma mère savent réellement tout ce que j'ai vécu ce soir là. Maman ce texte est celui où je raconte, mais c'est aussi un hommage à qui tu es, à ton amour infini, et à ton support et ton écoute vitale.
Je vivrai toujours avec cette blessure. Je vivrai toujours avec le souvenir de cet évènement qui aura déclenché bien des tourments. Je suis qui je suis aujourd'hui grâce à tout ça et à ma famille, alors aussi bien en être fière et en parler? (Là tu te dis: "Bin oui mé dis lé!")
Juste avant: Tu savais que j'avais fait partie du Club Kiwanis Lac-St-Jean-Est l'année passée en tant que membre fondateur? Que la mission du club est de faire tomber les tabous en ce qui concerne la santé mentale chez les jeunes? De récolter des fonds pour cette même mission? Et bien l'année dernière, j'ai dis oui spontanément à un projet avec le club qui allait m'obliger à raconter cette histoire.
Si tu me suis pas mal à travers les réseaux sociaux, tu as vu passer sur ma page FB ou mon compte Instagram, que je suis allée livrer un témoignage, via une conférence, et l'enseignement d'une séance de Power-Yoga, aux étudiants de secondaire 3 à l'école Séminaire-Marie-Reine-Du-Clergé à Métabetchouan.
Et bien c'était là, la toute première fois, que je racontais mon histoire.
Sueurs froides, peau moite, bouche sèche, le corps qui tremblait de l'intérieur; j'ai raconté mon histoire à des jeunes qui sont des proies faciles comme moi je l'étais à leur âge.
J'ai vu beaucoup de petits yeux plein d'eau devant moi, j'ai moi-même pleuré devant ces jeunes humains, si beaux, pleins de rêves et d'empathie. J'ai le corps qui flanche aujourd'hui en me rappellent ces 2 journées, où j'ai parlé.
J'avais 16 ans et j'ai subit un viol. Un homme inconnu a profité de moi comme si je n'avais pas d'âme, comme si j'avais dit "oui". Mon hymen était "flambaye".
AVANT LE VIOL
Enfant, à l'école primaire, je suis une petite fille tout à fait normale. J'ai une bonne famille, assez aisée. Je fais des activités sportives et artistiques extra scolaires. Un peu timide, un peu caractérielle, j'ai de bonnes notes à l'écoles; genre que mes dictées et mes projets d'arts plastiques sont affichées dans le corridor. J'ai des amies. Je suis très gênée avec les garçons. Je ne suis pas une enfant mais je ne vis pas d'intimidation. Je manque de confiance en moi (comme la plupart des jeunes filles malheureusement) et je me souviens avoir tellement de complexes (que je trouve aujourd'hui ridicules).
J'étais une enfant brillante, qui écoute les règlements, qui n'a jamais eu de réprimande à l'école, qui selon les standards de la société, était vouée à un avenir prometteur.
En sixième année et secondaire 1-2-3, j'étais de plus en plus complexée. Je me trouvais trop grande, et trop maigre. J'avais de trop grands pieds. Je n'avais pas de seins, et je voulais porter une brassière. Les autres jeunes filles de mon âge avaient une poitrine, portaient une brassière, avaient grandit moins vite que moi, et avait déjà la cote auprès des gars. J'avais des préoccupation banale, et je n'avais pas à me plaindre; je ne le savais pas à ce moment.
Rendue à mes 14 ans je n'ai encore jamais eu envers moi l'intérêt d'un garçon, j'avais officiellement mes première règles, et je n'avais toujours pas de seins, mais je portais une brassière, pour faire comme tout le monde tsé. Je n'avais jamais encore embrassé un garçon, et aucun ne s'intéressait à moi, pendant que mes amies elles, vivaient les étapes une par une. Je n'était toujours pas cool, mais pas non plus intimidée, sauf que j'étais encore plus timide qu'au primaire. Je n'étais personne. J'avais encore des bonnes notes à l'école et j'avais envie d'être quelqu'un de cool.
Une chance que j'étais sportive. J'étais dans l'équipe de basketball, et j'étais pas pire. Le midi, je mangeais seule, et je me cachais aux toilettes, et la fin de semaine, à part le basketball, je n'avais pas de vie sociale en dehors de ma famille. C'était correcte ma vie, je n'étais ni heureuse, ni malheureuse, juste une ado normale angoissée par le manque de boules et le manque d'expérience.
Comment relativiser et apprécier ou non les évènements de la vie quand tu n'as pas d'expérience?
L'été entre le secondaire 3 et 4 a été un tournant: je me "tenais" maintenant avec les rebelles, mais je respectais encore les couvres-feux de mes parents. J'étais de plus en plus distante avec ma famille, et mes amis n'étaient pas de vrais amis. J'avais encore de bonnes notes à l'école. J'étais en semi-rebellion. Je me cherchais, j'étais rendue cool, mais je ne prenais aucune drogue, je me considérais non-influençable, donc ça ne me tentais pas du tout de faire comme les autres.
J'ai commencé à mettre des brassières padées, à me maquiller, et à boire de l'alcool modérément dans les soirées, en secondaire 4. La première fois où j'ai bu deux-trois canettes de Molson Dry chaudes, j'ai fait des choses qui ne me ressemblaient pas, et je me suis sentie invincible. J'ai aimé l'effet et j'ai voulu répéter l'expérience. À la fin du secondaire 4, j'allais sans abus dans les partys de quartier et je fréquentais les bars de temps en temps (quand le portier me laissais rentrer). Oui je n'avais que 15 ans.
L'été entre le secondaire 4 et 5 j'ai commencé à avoir l'intérêt des garçons. Je n'avais jamais eu de chum, ni même embrassé qui que ce soit, je commençais à sortir dans les bars, et je respectais toujours mon couvre-feu. J'étais toujours dans l'équipe de basket, et je ne pensais qu'à performer au basket, et à sortir la fin de semaine avec mes amies cools. J'avais du fun, je modérais ma consommation d'alcool. J'étais normale avec les complexes et remises en question d'une ado qui se déniaise moins vite que ses amies.
LE VIOL
C'est un soir comme les autres avec mes amies. On est au Nightclub, c'était la place dans le temps pour sortir quand t'étais mineur. Les gars s'intéressaient de plus en plus à moi mais je restais timide. Les histoires d'un soir commençaient à "exister" autour de moi, mais je n'étais pas comme ça. Je n'étais pas prête à faire l'amour, et je voulais être en amour pour passer à l'action, je crois. J'étais loin d'être en amour n'ayant jamais eu de chum. Ce soir là, les choses se sont passées trop vite.
C'était la fin de semaine du Tournoi Midget d'Alma en 2003. C'est connu ces tournois de hockey remplissent les bars de testostérone dans notre petite ville tranquille.
Rendu à 2h30 du matin, les jeunes joueurs étaient couchés pour le match du lendemain, et les entraîneurs étaient "sua brosse". Ce soir là j'ai été la proie d'un des coachs de ces jeunes.
Il dansait près de moi, de mes amies, avec ses amis. C'était un comportement normal, dans une soirée normale. C'était un gars beaucoup trop vieux pour moi (il m'avait dit avoir 24 ans), mais j'aimais me sentir désirée même si je n'avais aucune intention concrète. On aurait pu dire que j'étais agace et que c'est de ma faute.
Peu importe comment j'étais habillée, non c'est non, mais je tiens à le préciser: J'étais en jeans taille haute, en espadrilles, en camisole à bretelles larges sans décolté (anyway je n'avais pas de boules). J'avais tellement de complexes car, à mes yeux, les autres filles étaient plus formées que moi donc plus jolies.
Ce soir là, j'avais réellement l'impression que ce gars-là me trouvait attirante tout simplement. J'étais une ado normale à la recherche de ce sentiment: être attirante. Toutes mes amies avaient des chums, pas moi, jamais.
Ce gars là s'appelait Dave ou Éric, je ne sais pas, je ne saurai jamais. Il était tattooé et avait des piercings (mamelons, sourcil ... 2003 t'sais!), il avait l'air d'un badboy. (Épargnez-moi la toune de 2008!)
Je le trouvais beau. Et mes amies étaient intéressées par ses amis. La fermeture du bar approche, nous sommes une dizaines, mes amies et ses amis. Les gars nous invitent à leur hôtel qui est juste à côté du bar et vu qu'on a du gros fun, on y va avant même que les bars ferment. On est vraiment contentes d'être assez hots pour l'invitation, tu vois le genre?
On est tous ensemble, dans une chambre, y'a de la musique forte, on jase, on rit, jusqu'au moment où je me retrouve toute seule avec lui, la porte fermée, et son instinct animal qui me regarde.
Je ne suis pas sous l'effet de l'alcool, ni d'aucune drogue, à ma connaissance. Je n'ai presque rien bu, et comme je vous le dis je suis une fille raisonnable, et mes parents m'ont bien enseigné que l'alcool et la drogue c'est mal. Ce crotté là me tient, et me touche dans mes culottes sans ma permission. Où sont les autres? Je ne sais pas.
Je lui dit clairement que je ne veux pas coucher avec lui. Mais il insiste physiquement, et je continue de lui dire non et de pousser ses mains. Je ne peux rien faire contre cet homme, mi-vingtaine, musclé, tattooé, et percé: le style dur de dur de cette époque. Intimidée par le look et la force, je suis paniquée, et il me tient fort par les poignets. Puis je crois que j'ai juste éteins mon âme pour ne pas vivre ça.
J'ai dû mettre la switch à off, abandonner et j'ai oublié le coeur de cet évènement. J'ai oublié la douleur. J'ai oublié le visage de cet homme, je ne sais pas si je pourrais le reconnaître si je le voyais aujourd'hui. Mais je n'ai jamais oublié le sentiment de vide que j'ai senti après. La honte, l'incompréhension. La douleur.
J'ai repris conscience au moment où il a autoritairement demandé à ce que je prenne une douche. J'étais figée. Il m'a donc amenée lui-même dans la douche et il m'a lavée, moi et mon air absent, la peur dans les yeux.
Il était 6h30-7h00 du matin quand j'ai quitté sa chambre. Que s'est-il passé entre 3h00 et 6h30? Je ne sais pas à quelle heure je me suis trouvée prise au piège exactement. Je ne sais pas tout ce qu'il m'a fait, mais un mécanisme de protection naturel, ou le choc, m'a permis de ne pas me souvenir de tout (selon ma psychologue, car j'ai dû faire une psychothérapie, j'en parle plus tard).
J'étais peut-être inconsciente, peut-être a-t-il profité de moi pendant près de 4 heures, je ne saurai jamais exactement, mais j'étais en sang entre les jambes, j'en avais partout , j'avais mal, j'étais vidée, j'avais froid.
Après m'avoir obligée à prendre ma douche, il m'a séchée, m'a aidée à m'habiller, m'a mis mon manteau et m'a dit de m'en aller. J'avais mal à l'âme.
J'ai salué la réceptionniste de l'hôtel en sortant, j'ai marché jusqu'à l'auto de ma mère, elle me l'avait prêtée, je l'avais stationnée devant le bar, puis je suis rentrée à la maison vers 7h-7h30 le matin. Mon père était debout, assis dans la cuisine me regardant découragé et inquiet de me voir rentrer à cette heure avec le maquillage coulé, le regard vide, sans avoir avisé la veille que je ne rentrerais pas. Il voulait me parler, je ne me souviens pas, j'étais en état de choc. J'ai traversé la maison pour aller directement dans ma chambre. Je ne voulais ni parler, ni voir, personne. L'angoisse me rongeait et je ne savais pas à ce moment que je ne serais plus jamais la même. Je n'avais qu'une chose en tête; et si j'avais attrapé le sida.
APRÈS LE VIOL
Dès le lundi suivant, je me suis présentée au CLSC d'Alma. J'ai demandé à passer des test pour vérifier si j'avais le sida. On m'a donné un rendez-vous et je suis revenue le lendemain pour rencontrer le médecin. Lors de l'examen gynécologique, il a fait ce commentaire qui m'a probablement fait laisser tomber l'idée de me confier à lui ensuite: " Ouais ma belle, soit le gars a été violent, soit il en avait une très grosse, tu es déchirée pas mal, ce n'est pas beau-beau." Il avait utilisé "ma belle" avec douceur et professionnalisme, et le reste de ses propos je ne sais pas; j'étais insultée.
Le médecin aurait dû me référer à une TS, non? Aurait-il dû poser plus de questions? J'étais une maudite orgueilleuse, et je restait forte devant lui, même si j'étais là pour qu'il sache, pour qu'on m'aide. Mon message n'était pas assez clair? A-t-il fait preuve d'un manque de professionnalisme? Je ne saurai jamais si c'est ma faute, mais j'ai toujours cru que ce l'était. (Ce texte n'est pas le procès de personne.)
Mon attitude d'ado rebelle a ensuite dégénérée. J'envoyais promener mes parents avec leurs règlements et recommandations.
J'avais un couvre-feu que je ne respectais plus du tout. Je dormais ailleurs la moitié du temps et je perdais la carte trop souvent.
J'avais 16 ans, je travaillais au Coq Rôti, j'étais traumatisée, je me cherchais, j'étais complexée,
boulimique, malheureuse
et extrêmement mal dans ma peau.
À 17 ans, j'ai commencé le Céjep en sciences pures parce que c'était tout ce que je connaissais, c'était qui j'étais avant.
À ce moment, je n'étais plus personne, et je n'avais aucune idée de mes goûts et intérêts. Je n'avais aucun espoir en l'avenir, je ne voulais pas qu'il y ait d'avenir pour moi inconsciemment à ce moment. Je me foutais pas mal d'étudier dans un domaine X ou Y. Je me sentais comme de la marde. Je me traitais comme de la marde.
J'ai fait mon DEC au Céjep en 3 ans, parce que j'ai abandonné l'école pendant quelques mois. L'alcool, la nourriture, et nouvellement la drogue, prenaient toute la place.
En publique, devant mes amies, à l'école je portais fièrement ma poker face: j'étais la fille forte qui sortait, qui aimait sa vie, et nouvellement celle qui se foutait de tout, inclus ses notes à l'école.
Entre 17 et 22 ans, j'ai dérapé, je me suis perdue et j'ai passé proche de la mort plus d'une fois. J'ai été déclarée cliniquement morte une fois, j'avais 18 ans.
Coma éthylique, overdose d'extasy, d'alcool, de "rohypnol" un sédatif; j'ai été quelques fois aux soins intensifs d'hôpitaux suite à des soirées folles, où je me foutais du lendemain, et où je souhaitais profondément mourir.
Mes parents étaient de plus en plus inquiets.
J'étais entrée à l'université en Kinésiologie, j'avais déménagé à Québec, j'étais loin d'eux et pourtant j'appelais encore ma mère à toute heure du jour ou de la nuit pour m'exprimer, à des moments où j'étais en panique, en crise existentielle.
J'ai eu, entre 17 et 22 ans, des fréquentations et des one nights stand (ARK). Je ne me respectais pas, et ces gars-là non plus. Toutes mes relations avec les hommes étaient malsaines. J'étais devenue cette personne, je ne méritais que ça. Mon cerveau, mon estime de moi-même, ma raison, étaient tellement déréglés.
Mon père n'était pas fier de moi et me le faisait savoir. Il m'a pratiquement ignorée pendant toutes ces années (c'était probablement trop difficile pour lui de me voir me détruire ainsi). Ma mère s'inquiétait, mais continuait de me dire qu'elle m'aimait et d'être là pour m'écouter. Mon frère plus jeune n'était vraiment pas à l'aise avec moi et on s'éloignait l'un de l'autre.
Ce ne sont pas des reproches que je fais à ma famille, c'est normal , ils ne pouvaient pas savoir, je ne l'avais pas dit et j'agissais de façon à ce qu'on me foute la paix; je n'étais pas aimable avec les gens qui m'aimaient. J'étais carrément quelqu'un d'autre. Je ne leur en veux pas, je vous raconte.
Je me dis que si tu es parent d'un-e ado, tu auras peut-être un déclic en lisant ce passage. Si tu peux juste retenir ceci: montre toujours à ton enfant à quel point tu l'aimes, malgré ses comportements d'ado, continue de lui attribuer écoute, amour, respect, reconnaissance et admiration. Il-elle en a besoin en tabarnak.
Je me rend à 22 ans sans jamais en avoir parlé à personne. Un lourd secret qui m'empêchait de m'épanouir.
LE JOUR OÙ J'AI PARLÉ
C'est à un rendez-vous chez mon médecin de famille avec ma mère où j'ai tout déballé. Ce n'étais pas prévu. Je n'avais pas réfléchi à ça, je ne m'étais jamais admis à moi-même que mes problèmes partaient de là. J'étais pas bien dans ma peau, je venais de rester enfermer dans ma chambre pendant 3 semaines, je n'allais plus à mes cours. J'étais en dépression et j'allais tout perdre: mes amis, mon diplôme, ma famille, j'allais perdre la vie. Ma mère m'avait obligée à aller voir le médecin avec elle. Je marchais sans arrêt dans les rues de la ville de Québec - Sainte-Foy, la nuit, le jour, tout le temps. J'avais développer une tendinite au tendon d'Achille, et j'étais maintenant clouée au lit.
Mon exutoire m'étant inaccessible, c'était la panique: les crises de boulimies; manger jusqu,à temps de penser mourir, puis prendre des laxatifs pour que ça sorte. Ensuite, ne pas manger pendant 2 jours puis sortir au bar avec les amis, prendre trop d'alcool de drogue, coucher n'importe où, incluant dehors, et manger une quantité phénoménale de nourriture pour perdre connaissance quand finalement je me retrouvais seule chez moi. Manquer l'école, faire du tord à mes collègues via l'absence d'efforts de ma part dans les travaux d'équipe. Infernal cercle vicieux.
Mon médecin: " Valérie tu as tout pour être heureuse! Tu nous fais quoi là? Tu devrais arrêter de t'en faire pour rien."
Ma mère: Me regarde l'air d'approuver ce que le médecin dit.
Moi: Je me suis mise à crier " C'EST ÇA QUE VOUS PENSEZ QUE J'AI TOUT POUR ÊTRE HEUREUSE ET PAS DE RAISON DE M'EN FAIRE?! VOUS ÊTES DANS LE CHAMP! IL M'EST ARRIVÉ UNE HISTOIRE HORRIBLE..."
En braillant, j'ai raconté.
APRÈS LE JOUR OÙ J'AI PARLÉ
Ma vie a changé et j'ai entrepris un travail colossal: me retrouver.
J'ai vu un psychologue, j'ai fais du sport, de la méditation, du yoga, et j'ai pris de la médication, des anti-dépresseurs de la famille des ISRS. Ça a été mieux, et puis ça a été une suite de ups and Downs. Mes démons sont revenus me hanter plusieurs fois. À chaque fois, des centaines de fois, j'ai du regagner la bataille contre l'auto-sabotage, la dévalorisation, la boulimie, la drogue, l'alcool, le sex et l'envie de mourir. Chaque fois je me suis pardonnée et j'ai abandonné l'ÉGO.
Mon outil principal a été le yoga.
Tu comprends mieux aujourd'hui pourquoi j'en parle tout le temps, et ce, comme si ma vie en dépendait: MA VIE DÉPEND DU YOGA POUR VRAI!
AUJOURD'HUI
Ce n'est pas parfait. Ma vie n'est pas parfaite, et moi non plus. Je n'ai pas arrêté de travailler sur moi-même. Et j'ai dû passer par d'autres épreuves; on a tous nos épreuves.
Aujourd'hui j'ai envie de te dire parles-en. Ce n'est pas de ta faute. Parles-en. Ce n'est pas de ta faute. Parles-en. Ce n'est pas de ta faute. Parles-en. Ce n'est pas de ta faute. Parles-en. Ce n'est pas de ta faute. Parles-en. Ce n'est pas de ta faute. Parles-en. Ce n'est pas de ta faute. Parles-en. Ce n'est pas de ta faute.
Je vois encore un psy pour passer à travers la vie. Souvent le choc post-traumatique me revient comme quand tu marches sur une pelle pis que le manche t'arrive dans face.
Il y a deux mois, mon psy m'a demandé de revivre le viol; c'est plus compliqué que ça mais bon, y'a fallu que j'y repense (ce que j'ai évité de faire pendant 15 ans). J'ai figé. J'ai pas complètement réussi, mais j'en parle aujourd'hui parce que je crois avoir réussi à passer à une autre étape. Je ne suis pas prête à dire que c'est derrière moi, mais j'y travaille.
Valérie Boudreault,
15 ans après un viol.